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On exige encore : l’histoire des droits et de l’activisme 2SLGBTQ+* à Ottawa – 2e partie

Vendredi 27 août 2021

Dans le cadre des célébrations de la Fierté dans la capitale 2021, la BPO accueille le blogueur Glenn Crawford. Voici la deuxième partie de sa série de billets de blogue « On exige encore : l’histoire des droits et de l’activisme 2SLGBTQ+* à Ottawa ».

Notre mouvement de libération queer : Gays of Ottawa

La manifestation We Demand de 1971 inspire la création, moins d’un mois plus tard, de la première organisation pour les droits des personnes queers à Ottawa. Le petit groupe composé d’hommes gais se réunit pour la première fois le 14 septembre 1971 dans l’appartement de Maurice Bélanger et de Michael Black, au 270, rue Somerset Ouest, appartement 906. Il est baptisé « Gays of Ottawa/Gai(e)s de l’Outaouais » (ou GO) le 13 octobre de la même année. Sa mission initiale est de faire du lobbying au nom des gais et des lesbiennes, de jouer un rôle d’organisme communautaire et d’informer le grand public au sujet de l’homosexualité. Il tente de défaire des années d’homophobie intériorisée chez ses membres, inspirant ce que nous appelons maintenant la « fierté ». Cependant, l’organisation est parfois vue d’un mauvais œil par les personnes queers qui sont encore dans le placard, particulièrement les cols blancs, qui croient qu’en donnant trop de visibilité à la communauté, on sème le trouble, et on expose à la vue leur identité qu’ils ont eu tant de mal à garder secrète.

Gays of Ottawa à la tête du premier défilé de la Fierté, rue Bank, 1989. Photo : GO Info, Bibliothèque et Archives Canada

À mesure que l’organisation grandit, elle devient une figure de proue en matière d’activisme queer, tant sur le plan local que fédéral, organisant souvent des conférences nationales sur les droits de la personne et mettant ainsi une pression énorme sur la poignée de premiers militants. Denis LeBlanc, un des premiers membres de GO, décrit une journée typique : une journée complète de travail suivie d’une réunion ou deux, une sortie au bar à boire et à danser dans l’espoir de rencontrer quelqu’un, et une courte nuit de sommeil avant de recommencer à nouveau le lendemain.

GO met sur pied une ligne d’aide, une publication mensuelle intitulée GO Info, une bibliothèque de prêt ainsi que des groupes et des rencontres de soutien, en plus d’organiser des soirées de danse et de défendre les droits civiques des homosexuels. L’organisme sensibilise la population et amasse des fonds pour payer les frais juridiques dans les cas de discrimination au travail, comme pour les affaires John Damien et Barbara Thornborrow (qui perdent leur emploi en raison de leur orientation sexuelle), et pour les hommes arrêtés et accusés lors de la descente dans les bains publics d’Ottawa en 1976. Après une vague particulièrement violente de crimes haineux et de meurtres à l’été 1989, GO commence aussi à sensibiliser la police au sujet des droits des personnes queers et des dangers pour leur sécurité.

Le financement des activités est un défi constant pour GO, qui change fréquemment de nom pour mieux refléter la communauté. En 1984, l’organisme décide de fonder une organisation sœur, les Services du triangle rose, conçue pour être un organisme de bienfaisance enregistré, une première au Canada. Les Services du triangle rose prennent en charge les services sociaux et de soutien, comme les groupes de « coming out », la bibliothèque et la ligne d’aide, tandis que GO se concentre principalement sur l’activisme politique, le périodique GO Info et les soirées de danse.

Les membres de GO organisent le premier événement de la Fierté à Ottawa, un pique-nique qui réunit 50 personnes au parc Strathcona en 1986, ainsi que le premier festival de la Fierté, qui comprend un défilé d’environ 300 personnes, en juin 1989. À mesure que la communauté s’affiche et se diversifie davantage, d’autres groupes émanent de GO, comme le comité du sida d’Ottawa, des groupes sportifs et culturels, un comité distinct pour la Fierté, des groupes de défense des femmes queers, et ainsi de suite. Ultimement, cette fragmentation en vient à bout de GO en tant que carrefour de facto pour la communauté, et l’organisme est dissous en 1995.

Premier pique-nique de la Fierté au parc Strathcona, 1986. Photo : Collection de Gays of Ottawa

Maintenant divisée, il est plus difficile de réunir à nouveau cette communauté diversifiée pour s’attaquer à des enjeux importants. En 2006, un projet de centre communautaire échoue. Cela dit, un bon nombre voire la plupart des organisations communautaires locales qui demeurent sont des rejetons directs de GO, et jouent un rôle central dans d’importantes initiatives pour les droits civiques. Par exemple, Egale Canada, qui est très impliqué dans la lutte nationale pour l’égalité du droit au mariage, de même que le comité du sida d’Ottawa et la Maison Bruce, qui viennent en aide aux personnes vivant avec le VIH et le sida au plus fort de l’épidémie dans les années 1980 et 1990 et après. L’organisme GO laisse un héritage qui inspire fierté, ayant créé une communauté à partir de zéro et l’ayant aidée à sortir du placard et dans la rue.

Liens

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* Le sigle 2SLGBTQ+ désigne les personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer et autres, de même que les alliés. C’est l’un des nombreux sigles acceptés pour définir la « communauté » queer, bien que soient couramment utilisés plusieurs autres sigles contenant plus ou moins de lettres, parfois dans un ordre différent. Bien que la communauté s’efforce généralement d’utiliser un terme inclusif, d’autres groupes de notre communauté, comme les personnes non binaires, intersexuelles et asexuées, par exemple, ne sont pas toujours incluses, puisque le sigle devient de plus en plus long et complexe et à mesure qu’il grossit. Même si nous l’utilisons dans ce blogue, nous sommes conscients qu’aucun sigle n’est complètement inclusif, tout comme le terme générique queer (qui n’est lui-même pas adopté par l’ensemble de la communauté), que nous utilisons pour définir notre communauté.

Biographie

Ayant vécu à Ottawa pendant plus de 40 ans et nouvellement résident de Gatineau, Glenn Crawford est fier d’habiter dans la région de la capitale nationale. Il s’implique activement dans la communauté queer depuis plus de 15 ans. Il a présidé le Comité du Village de 2006 à 2012, années durant lesquelles ont notamment été installés sur la rue Bank des panneaux désignant officiellement le village queer d’Ottawa. Glenn a été élu grand maréchal de la Fierté dans la capitale en 2010 et a reçu le Hero Award en tant qu’activiste communautaire de l’année en 2007. Depuis 2016, il fait de la recherche et du développement pour le Projet de legs du village de la ZAC de la rue Bank, en mettant au point un site Web [www.villagelegacy.ca] et une application mobile sur l’histoire du mouvement 2SLGBTQ+ à Ottawa. Concepteur Web et graphique à son compte depuis plus de 18 ans, Glenn a également créé des œuvres d’art public pour le projet, dont les 40 bannières rendant hommage à des leaders communautaires qui ont été dévoilées en 2018.