Jeudi 13 octobre 2022
Depuis 2021, le 30 septembre marque la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, un jour de deuil pour les Autochtones. C’est une journée pour honorer toutes les personnes qui ont survécu aux pensionnats et se souvenir des enfants autochtones qui ne sont jamais rentrés chez eux. En mai 2021, au pensionnat de Kamloops, on a retrouvé les corps de 215 enfants autochtones et ce funèbre décompte continue d’augmenter pour atteindre les milliers. C’est l’an dernier que le 30 septembre est devenu férié, mais les Autochtones réclament cette reconnaissance depuis des années. Il s’agit du 80e des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (les « 94 CVR »). Pour bien des Autochtones, c’était troublant d’entendre déclarer d’emblée le 19 septembre dernier Jour de deuil national pour le décès de la reine. Cet été, le pape a fait acte de contrition pour le rôle qu’a joué l’Église dans les pensionnats, ce qui constitue le 58e des 94 CVR. Ces excuses, et la remise d’une coiffure de cérémonie, ont suscité des sentiments mitigés puisque voir un objet sacré offert ainsi en cadeau peut rouvrir certaines blessures. Il est important de reconnaître que les peuples autochtones ont toujours pratiqué l’offre de cadeaux, et que ce geste peut permettre à certains survivants de progresser dans la guérison, mais pour de nombreux autres, il faudra beaucoup plus que des excuses.
Selon le site Web OrangeShirtDay.org, c’est en 2013 qu’est né le mouvement pour faire reconnaître les torts causés par les pensionnats, à l’initiative de la survivante Phyllis (Jack) de Northern Secwepemc (Shuswap), dans la Première Nation Stswecem’c Xgat’tem (bande du ruisseau Canoe Creek). Quand Phyllis avait six ans, sa grand-mère lui a acheté un chandail orange pour la rentrée scolaire, qui avait lieu au pensionnat St. Joseph Mission à Williams Lake, en Colombie-Britannique. À la fin du mois de septembre, des gens venaient récupérer tous les enfants autochtones pour les emmener dans ces écoles. Quand Phyllis est arrivée à la Mission, on lui a pris ses vêtements; elle ne les a jamais récupérés et on lui a fait comprendre qu’ils n’importaient pas. Ce n’est qu’une histoire parmi celles de milliers d’enfants autochtones enlevés partout dans l’île de la Tortue, dont un grand nombre ne sont jamais rentrés chez eux.
L’objectif du système des pensionnats était de se débarrasser du « problème indien » en retirant les enfants autochtones de leur communauté afin de les assimiler à la culture européenne. Ceux qui sont allés dans ces écoles devaient travailler et se couper les cheveux; qui plus est, on les punissait s’ils ne parlaient pas la langue du colonisateur. Les établissements manquaient gravement de fonds; beaucoup d’enfants souffraient de malnutrition et subissaient des violences physiques, psychologiques et sexuelles. Après avoir été coupés de leur famille et de leur communauté, ceux qui revenaient chez eux avaient oublié leur culture et leur langue. Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1998, mais le grand nombre d’enfants autochtones en placement familial augmente toujours.
Je porte mon chandail orange pour tous mes grands-parents qui sont allés au pensionnat Spanish et parce que toute ma famille fait encore les frais de traumatismes intergénérationnels : dépendances, itinérance, prison… Il faut réfléchir à la réconciliation et à la décolonisation plus d’une journée par année. J’encourage les alliés et les personnes de descendance coloniale à soutenir les entreprises et organismes autochtones, notamment l’Assembly of 7 Generations (A7G), qui a pignon sur rue à Adaawewigamig, au marché By. Cherchez les événements organisés par des Autochtones dans votre région, et prêtez l’oreille aux récits des survivants des pensionnats et de la rafle des années 1960. Soyons présents pour la prochaine génération d’enfants autochtones et rappelons-leur que chacun d’entre eux compte : ce ne sont pas les moyens de le faire qui manquent.
Harmony Eshkawkogan
Par un membre de l’Assembly of Seven Generations (A7G)
Sources